L'Assemblée Nationale vient de voter dans la nuit du 15 au 16 février une loi introduisant (article 2) une taxation des échanges boursiers. Il s'agit :
- de taxer à 0,1% les achats d'action à la bourse
- de taxer à 0,01% les opérations de "trading à haute fréquence". Difficile à expliquer en trois mots, mais si j'ai bien compris, il s'agit notamment d'opérations successives faites "très rapidement" à la fois à l'achat et à la vente sur la même action, destinées à jouer sur le fait qu'entre deux instants où le cours de l'action est évalué, les ordres de vente arrivent parfois plus vite que les ordres d'achat (ou inversement). En deux mots, des ordres qui jouent sur des limitations techniques du système pour gagner de l'argent sur le dos d'autres personnes "moins rapides".
- de taxer à 0,01% les opérations sur les "CDS" qui sont des "assurances" contre le défaut de paiement des Etats.
Je vais commencer par tordre le cou à quelques idées classiques qu'on a sur la vision chrétienne de l'argent. On parlera ensuite des échanges financiers, puis de leur taxation.
Le rôle d'un chrétien acteur du monde économique est d'être un bon gestionnaire des richesses qui lui sont confiées
Quand on pense à un riche, on aurait tort de s'arrêter à l'image du riche qui aura plus de mal à rentrer au royaume des cieux qu'un chameau aura de mal à passer à travers le trou d'une aiguille. Ce riche-là est celui qui "se fait fort de l'oeuvre de ses mains et qui ne compte que sur ses forces" au lieu de manifester "[une humble disponibilité et une ouverture à Dieu, une confiance en lui]" (#324 du compendium de la DSE). Une définition uniquement basée sur la grandeur de ses possessions serait trop réductrice. La richesse matérielle peut entraîner une impression d'indépendance vis-à-vis de Dieu, mais ce n'est pas systématique.
Au contraire, la parabole des talents (Mt 25, 14-30) vient nous rappeler que "on donnera à celui qui a, et il sera dans l'abondance, mais à celui qui n'a pas on ôtera même ce qu'il a". L'homme a été placé dans le jardin pour le cultiver et le garder (Gen 2, 15), et c'est ce que fait le serviteur qui reçoit 5 talents et les fait fructifier pour son maître, alors que celui qui ne reçoit qu'un talent et l'enfouit dans la terre oublie de "cultiver" ce don. C'est pourquoi à la fin de la parabole, le "bon gestionnaire" reçoit encore plus, pour qu'il puisse faire fructifier une plus grande somme encore.
Notre rôle d'acteur économique, aujourd'hui encore, est de faire fructifier les richesses qui nous sont confiées par le Père, non pour nous-mêmes, mais en vue de Dieu (Luc 12,21). Concrètement, il nous faut donc agir dans le monde économique pour nous mettre au "service de l'homme et de la société" (#326 du compendium). Si cette activité d'acteur économique au service de l'homme et de la société génère du profit, c'est a priori une excellente nouvelle puisque ces profits pourront être réinvestis dans le même objectif.
Il faut donc bien se garder de considérer que les revenus obtenus grâce à des plus values boursières sont par nature "illégitimes" et que cet argument suffit pour décider de les punir en les taxant.
Le développement des marchés permet de lancer de grands projets, mais induit des instabilités
Le mécanisme de marchés permet d'atteindre plusieurs buts économiques : capacité à lever des fonds suffisants pour de grands projets (combien de cathédrales du moyen-âge ont deux flèches de hauteur différentes car elles n'ont pas réussi à boucler leur budget ?), capacité à faciliter des échanges de produits, et du coup à faire jouer la concurrence, etc.
Néanmoins, le libre fonctionnement d'un marché n'est pas un but en soi. Le but de l'activité humaine, pour l'Eglise, est toujours la dignité de l'homme et son élévation vers Dieu. Et lorsqu'on constate que des acteurs, sur le marché, perdent leur rôle premier qui est de financer des projets et de faciliter les échanges, il devient juste d'adapter les règles pour limiter les comportements déviants, surtout s'ils viennent empêcher le sens premier de cette logique économique. La recherche du "bien commun" impose parfois de remettre à sa place l'intérêt d'un individu particulier...
Les "maladies" du marché qu'on peut constater aujourd'hui sont :
- les marchés ne profitent qu'aux pays développés qui ont la main dessus. Les pays pauvres ne profitent que très peu des bienfaits de la fluidité des échanges
- la grande fluidité des échanges permet d'accompagner de grands projets, mais elle permet aussi des explosions très brutales de bulles spéculatives
- la rapidité des échanges, et leur coût nul, fait que de nombreux acteurs s'enrichissent sur les marchés non plus en accompagnant des projets et en les finançant, mais en "jouant" sur les fluctuations du cours sans lien particulier avec l'avancement des projets.
Vers une taxation des échanges boursiers ?
Il apparaît aujourd'hui nécessaire, donc, de renforcer la stabilité des marchés pour permettre de continuer le grand élan vers une qualité de vie meilleure dans le monde entier qui a lieu depuis plusieurs décennies, tout en tentant de réduire les inégalités entre pays riches et pays pauvres. Les comportements "antisociaux" de traders jouant sur des limitations techniques pour s'enrichir aux dépens d'autres acteurs doivent en revanche être "freinés".
L'Eglise appelle de ses voeux une taxation sur les produits financiers :
" Des mesures de taxation des transactions financières, avec l’application de taux justes d’impôt, avec des charges proportionnées à la complexité des opérations[...]. Une telle taxation serait très utile pour promouvoir le développement mondial et durable selon les principes de justice sociale et de solidarité, et elle pourrait contribuer à la constitution d’une réserve mondiale destinée à soutenir les économies des pays touchés par la crise, ainsi que la restauration de leur système monétaire et financier;" (Pour une réforme du système financier et monétaire international dans la perspective d’une autorité publique à compétence universelle, 2011)
La loi votée par l'Assemblée Nationale permet d'aller un peu dans ce sens, puisqu'elle permettra à l'Etat français de récupérer 1 milliard d'euros par année qui lui permettront d'alléger sa dette tout en "freinant" un peu les comportements déviants qui sont plus taxés que les comportements normaux.
- vente très fréquentes d'actions
- volumes d'ordres très importants avec beaucoup d'annulations d'ordres
- spéculation sur les dettes des Etats
Par rapport à la position de l'Eglise, on peut simplement regretter que ce gain d'argent ne serve pas du tout à soutenir les économies des pays plus pauvres.
La difficulté rencontrée par la France pour mettre seule cette taxation était identifiée par l'Eglise dans le document de 2011 qui propose la mise en place d'institutions internationales permettant d'homogénéiser les pratiques. Espérons que la France puisse continuer à être acteur efficace de la mise en place de cette taxation par exemple en proposant la création de telles instances, ou à défaut en réussissant à faire adhérer d'autres pays au principe de cette taxe.
Premier post un peu technique, mais le sujet s'y prêtait... Si vous voulez lire rapidement, ne lisez que ce qui est en bleu. et le prochain sujet sera moins technique !
RépondreSupprimerRéflexion intéressante. Permettez-moi d'y ajouter plusieurs critiques que j'espère constructives.
RépondreSupprimerEn fait, cette réforme n'est qu'un avatar du projet de James Tobin, énoncé dès 1972, qui préconisait la mise en en place d'une taxe de 0,5% sur les transactions financières. L'intérêt d'une telle taxe est de gripper légèrement le marché afin de rendre moins attractif les mouvements spéculatifs les moins rentables (ce qui est d'autant plus intéressant aujourd'hui que la majeure partie des transactions actuelles sont informatisées et qu'elles se déclenchent automatiquement, transformant chaque frémissement en mouvement brutal haussier ou baissier).
On peut aussi citer les CDS (Credit default swaps) qui sont des produits financiers complexes, qui reviennent à séparer le risque de la détention d'une action, en revendant celui-ci (le risque) comme une assurance sur un marché à part. Effectivement, dans ce schéma, le spéculateur a tout intérêt à voir l'action s'effondrer car c'est là qu'il fait une plus-value (cf. Grèce).
Revenons à notre réforme. Pour Tobin, outre l'effet de freinage sur une partie de la spéculation, il s'agissait dans le projet initial de dégager des sources de financement aux profits des pays en voie de développement.
L'inconvénient, toutefois, d'une telle réforme est qu'elle peut difficilement être menée par un État isolé, ce que la France prétend faire. En effet, cela risque d'engendrer, en plus d'un ralentissement des transactions, une désaffection des investisseurs. L'importance de cet argument n'est toutefois pas complètement évalué : il est vraisemblable que les capitaux sont beaucoup moins mobiles qu'on le dit et qu'on n'assistera pas à une fuite. Mais il est vraisemblable que certains investisseurs choisiront des places boursières plus accommodantes, entraînant un risque de concurrence (voire de "dumping") des États en ce domaine.
Non seulement cette réforme est "petits bras" étant donné que son effet risque d'être minimal pour les marchés, mais elle est d'abord destinée à renflouer notre budget (ce qui, aussi, est nécessaire, mais est beaucoup moins philanthropique que le projet initial). Point supplémentaire, elle va à rebours d'une politique qui consistait jusqu'à présent à inciter les Français à placer leurs économies en assurances-vie en vue de leurs vieux jours pour compléter des retraites qui risquent de diminuer.
Je voudrais toutefois souligner un point qui me semble important :
Sur la population adulte française (50 millions) :
- 10% (les plus riches) possèdent 62% du patrimoine total (1 128 000€ par adulte/moy)
- 40% (classes moyennes) possèdent 34% du patrimoine total (154 000€ par adulte/moy)
- 50% (les plus pauvres) possèdent 4% du patrimoine total (14 000€ par adulte/moy)
(Source : Chiffre de 2012, Comptes nationaux in Landais, Piketty, Saez, Pour une révolution fiscale, Seuil,2011).
C'est donc bien de parler de talents, mais il me semble qu'ils sont toutefois plutôt mal répartis et que s'appuyer, comme on le fait, sur les seuls marchés ne fait qu'accentuer cette division fort imparfaite des richesses. Si les Évangiles ne semblent pas directement critiquer l'enrichissement, ils appellent quand même à une meilleure répartition des richesses.
La France, soulignons-le, toutefois a mieux résisté que beaucoup d'autres États occidentaux à l'accroissement des inégalités.
Fin de mon commentaire que je dois rajouter ainsi faute de place (4096 caractères maximum !) :
SupprimerOn peut trouver quelques éléments très instructifs dans l'Encyclique "Caritas in veritate", 2009, qui est tout à fait d'actualité (voir notamment, le chapitre 3). Lien ci-dessous vers le texte.
http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/encyclicals/documents/hf_ben-xvi_enc_20090629_caritas-in-veritate_fr.html
Cordialement,
Paul
Merci, et bienvenue sur ce blog naissant !
SupprimerJ'avais en tête que Tobin souhaitait que le produit de "sa" taxe aille au FMI, mais pas spécifiquement au développement des pays en voie de développement (même si l'un des objectifs du FMI est bien de réduire la pauvreté).
L'application française présente effectivement le risque d'une perte de compétitivité de notre marché par rapport aux pays voisins, au moins pour les comportements très spéculatifs. Il est clair que la France prend un "certain" risques. La proposition de l'Eglise est claire et évite ce risque mais est bien sûr moins immédiate car elle implique un arsenal juridique international très important : par subsidiarité, ce problème doit remonter à une instance internationale mandatée pour ce type de missions et qui permettra une entrée homogène dans ce type de systèmes... L'orientation de l'action rapide a été choisie en France, espérons que le système s'amorcera et que les autres pays européens notamment nous suivront.
Pour l'assurance vie, je ne connais pas à fond le sujet, mais je doute que ces produits soient les plus impactés par une taxe comme celle qui est proposée. Ils sont généralement relativement "prudents", souvent assis sur des obligations d'Etats en grande partie (et donc ont une part en action souvent assez faible, couramment sous les 10%), et ont moins d'enjeux à jouer sur des mécanismes du genre trading à haute fréquence.
Concernant la répartition des richesses, c'est un sujet important. La parabole des talents finit par une phrase claire : "Car celui qui a recevra encore, et il sera dans l’abondance. Mais celui qui n’a rien se fera enlever même ce qu’il a." Ca semble en contradiction avec le principe d'option préférentielle pour les pauvres qui est un des 5 principes de la DSE. La contradiction n'est qu'apparente.
Le chrétien n'est qu'administrateur de ses biens (il ne les possède pas, mais les gère en vue du bien commun). A ce titre, il n'y a pas à "jalouser" quelqu'un qui a plus d'argent que soi, et on peut au contraire se réjouir que quelqu'un qui sait mieux faire fructifier ce qui lui est confié aie plus : la société y gagnera de la valeur. En revanche, une bonne gestion de ses biens implique notamment de suivre les principes de solidarité et d'option préférentielle pour les pauvres. Ca peut avoir plein de signification : donner de l'argent aux plus démunis, financer des PME pour aider à la création d'emplois, donner de son temps et de son savoir faire à une association de réinsertion, ...
Un certain nombre de droits sont assurés par la déclaration des droits de l'Homme et par la loi (accès à l'éducation, au logement, ...). Mais à partir d'un certain niveau, il faut bien considérer que nos possessions sont à administrer en vue du bien commun, et pas en vue de notre propre bien. Pour cette partie-là, les inégalités sont explicables et souhaitables.
Maintenant, c'est une autre histoire de savoir si
- le "certain niveau" dont il est question correspond au RSA (par exemple)
- la répartition est bien faite dans la réalité,
Pour le premier point, ça mériterait un vrai développement qui ne tient pas en 4096 caractères !
Pour le deuxième point, la logique salariale permet certainement d'approcher grossièrement une proposition correcte de répartition. (on peut par contre conclure assez rapidement que le loto est un fabricateur de richesse injuste : on peut gagner au loto sans avoir aucune qualité pour rechercher le bien commun)
La troisième question à se poser : qu'est-ce que je fais, moi, de ce que j'ai qui dépasse le "certain niveau de richesse". Il est légitime que le bien commun passe aussi un peu par mon bien, mais est-ce le bien commun, ou mon bien personnel que je recherche ?
Bonjour,
SupprimerJ'avoue ne pas connaître le détail du fonctionnement de la taxe Tobin, en particulier, le rôle qu'aurait joué le FMI. Je pense que tout est possible actuellement car il n'y a pas d'organisme prévu pour le collecter, le distribuer, le contrôler... Sans compter qu'en principe, la mise en oeuvre d'une sorte d'impôt international implique une gouvernance mondiale qui n'existe pas réellement (il suffit de regarder les errements concernant la réduction des gaz à effet de serre...). Actuellement, il s'agit plus de spéculations sur la comète que de projets sérieux.
Mon opinion est que si la France montre de la bonne volonté, il est probable que, plutôt qu'un effet d'entraînement positif, on voie se développer un phénomène de "passagers clandestins", certains n'hésitant pas à tirer profit du handicap que nous créons pour nous mêmes.
En revanche, dans le long terme, suite à des négociations diplomatiques serrées, on peut sans doute améliorer la situation, éventuellement par une telle taxe. Malheureusement, on n'y est pas vraiment.
Paul
Un lien intéressant :
RépondreSupprimerhttp://plunkett.hautetfort.com/archive/2012/03/05/2e-conference-de-careme-a-paris-la-pensee-catholique-francai.html#more
Encore cette limite de caractères qui m'oblige à répondre en deux temps...
RépondreSupprimerConcernant la parabole des talents, j'ai tendance à préférer la considérer sur le plan "moral" plutôt que matériel. J'ai l'impression que limiter la parabole à une métaphore quasi bancaire du profit est insuffisant. La grâce de Dieu consisterait à favoriser les bons travailleurs (surtout s'ils se trouvent dotés d'un capital supérieur dès le départ) ?
Le talent, par évolution du langage (vers 1600 d'après mon dico) devient une "qualité" ou une "vertu". Est-ce parce que la parabole est entrée dans les moeurs au point de créer un nouveau sens au mot "talent" ? C'est vraisemblable.
J'ai quand même l'impression qu'en faire une base de la doctrine sociale est un peu réducteur, voire dangereux, car une lecture trop partiale conduit à justifier la situation actuelle.
En revanche, en insistant sur la dimension morale, il me semble bien que les serviteurs (que nous sommes tous) sont appelés à travailler à la mesure de leurs talents, non pas à l'enrichissement de la société, mais à l'édification du Royaume de Dieu et que c'est là que réside l'image principale de cette parabole. Celui qui aime Dieu et veut travailler pour lui, reçoit en abondance. Celui qui a peur et qui enterre son talent, pèche par manque de foi. Le sentiment d'injustice auquel il fait allusion montre un détournement en ce qu'il ramène la question à lui, tandis que les autres serviteurs ne se posent même pas la question de savoir s'il est juste ou pas de travailler pour Dieu.
En réalité, je n'aborderais donc pas ce thème par la question de la juste rétribution. La référence à la parabole montre ses limites si on cherche à justifier par là les inégalités actuelles qui peuvent, parfois, être scandaleuses. Sans aller jusqu'à la jalousie ou à l'envie, on peut quand même légitimement se poser des questions concernant ces écarts. Sachant que l'homme finit par mourir et se délester de ses richesses, je trouve qu'il vaut mieux amener la question comme tu le fais à la fin, et ce de façon personnelle.
De fait, si l'homme est tenu de "cultiver la terre", il ne s'agit pas tant d'en tirer profit que d'une contrainte née du péché originel. Là encore, il faut lire la parabole des talents à travers ce prisme.
Par conséquent, la vraie question est : serais-je capable de tout donner et de confier ma vie à Dieu ? On a plein d'exemples dans l'histoire chrétiennes, à commencer par Jésus et ses disciples qui ont abandonné une situation pour "vivre sur l'habitant". On peut citer les ordres mendiants, Mère Térésa... Tout le monde n'a sans doute pas cette vocation, mais il faut admettre que c'est pourtant à ce détachement que nous sommes appelés.
La réponse est personnelle et renvoie à l'affaire du chameau qui cherche à passer par le trou de son aiguille... Je trouve même l’Évangile particulièrement clair sur la nature de l'obstacle qui est placé sur le chemin des riches ! (Exemple simple de notre petitesse : suis-je capable de donner un dixième de mes revenus annuels à l’Église ? Voire d'abandonner mes biens, dont mon ordinateur ?)
De fait, la seule issue qui nous est offerte par l’Évangile est le don total. Là, réside la difficulté. Là, devrait être la source de nombreuses insomnies. Il y a sans doute des réponses liées au fait que nous pouvons avoir des missions spécifiques dans nos domaines, impliquant effectivement que nous soyons "dans le monde" et donc, "dans le coup" sur le plan financier.
Saint Paul semble accepter que malgré l'imminence de la fin des temps, nous ayons des comportements "adaptés" à la poursuite de la mission. J'avoue quand même ne pas être vraiment au point à ce sujet : le Christ réclame notre engagement total et nous n'en sommes pas capables. C'est dur de se satisfaire de cette constatation.
Paul
tu as raison, la lecture orientée "talent" est une lecture qui nous tire aussi vers notre rôle de rechercher du bien commun. Mais la parabole justifie bien des différences de rémunération/conditions de vie. Le magistère le reprend d'ailleurs dans les encycliques (voir article sur le salaire du président).
SupprimerCette obligation de recherche du bien commun nous est notamment montrée dans la Genèse à laquelle tu fais allusion... en revanche, il y a un problème de chronologie dans ta description.
Gen 2,15 "Yahvé Dieu prit l'homme et l'établit dans le jardin d'Eden pour le cultiver et le garder" ... Gen 3,6 "La femme [...] prit de son fruit et en mangea. Elle en donna aussi à son mari, qui était avec elle, et il mangea." ... Gen 3,17 "A l'homme [Yahvé Dieu] dit : "Parce que tu as [...] mangé de l'arbre [...]maudit soit le sol à cause de toi, à forces de peines tu en tireras subsistance" etc.
L'homme travaille avant le pêché originel. Simplement, par le pêché, il s'écarte de Dieu et, de cet écart, naît la pénibilité du travail. En oubliant le sens du travail qui est de m'élever vers Dieu en co-créant avec lui, mon travail devient pénible.
Bref, le travail était bien là non pour punir l'homme, mais bien pour lui faire "créer le monde avec Dieu" et donc faire grandir la richesse que Dieu lui avait confiée, ce qui justifie une part de "participation" de l'homme à sa propre contribution à la création.
OK pour la mise au point de la chronologie : c'est fort intéressant notamment autour de la notion de pénibilité. Il n'y a sans doute pas que le travail qui est pénible : toute la vie sur terre, dans l'attente du retour au ciel, peut être considéré ainsi. Mais le travail est sans doute le domaine où la pénibilité est la plus importante (avec l'accouchement...).
SupprimerJuste un point : il n'est pas question de salaire non plus. De fait, l'homme est co-créateur, mais cela peut passer à travers de nombreuses activités qui ne sont pas forcément liées à l'obtention d'un revenu (exemple du bénévolat), ou alors cela signifierait que le "non travail" de certaines catégories (ordres mendiants, retraités, personnes au foyer...) serait une erreur.
Effectivement, il me semble bien que l'inégalité de revenus n'est pas condamnée. En revanche, l'absence de partage me semble bien plus critiquée.
Continuons...
Bonne soirée !
Paul