L'actualité chrétienne
du moment est entachée d'histoires de luttes de pouvoir sur fond
d'espionnage au Vatican. Des télégrammes diplomatiques ont été
diffusés à la presse italienne, vraisemblablement par le majordome
du pape ; il est question de pressions du Vatican dans les
affaires politiques italiennes, de scandale de pédophilie ou de
mœurs sexuelles de membres du clergé, ou encore, et c'est le sujet
le plus médiatisé, d'opacité financière du Vatican, qui est en ce
moment en train de demander à rentrer dans la « white list »
(liste blanche) des Etats qui satisfont aux obligations européennes
de lutte contre le blanchiment d'argent.
Alors forcément, on se
demande comment il se fait que de tels comportements existent au
Vatican. La séparation religieux-politique, la chasteté, la vérité,
l'honnêteté, tout ça est inscrit assez clairement dans la doctrine
sociale de l'Eglise (DSE). L'Eglise n'a-t-elle pas un devoir
d'exemple ?
La DSE donne à
l'Eglise le rôle principal d'annoncer l'Evangile
Ce qui frappe en
parcourant le compendium de la DSE avec cette question en
tête, c'est qu'on ne trouve quasiment aucune référence à un rôle
d'exemplarité de l'Eglise. Exemplarité des chrétiens, oui.
Diffusion de la DSE par l'Eglise, oui. Mais pas de rôle
d'exemplarité pour l'Eglise.
En effet, on lit :
« L'Eglise se place concrètement au service du Royaume de Dieu
avant tout en annonçant et en communiquant l'Evangile du Salut
et en constituant de nouvelles communautés chrétiennes ».
(#49 du compendium). Ca peut sembler être un positionnement
surprenant, mais il n'en est rien. S'il fallait choisir, je
préférerais une Eglise qui développe son discours pour inspirer
l'action des hommes dans le monde entier, mais qui se plante un peu
(un peu beaucoup, même) dans sa gestion financière. Le but premier
de l'Eglise n'est pas d'être un expert en comptabilité, ni même
d'être un modèle de transparence. On lit même dans le compendium
(#197) : « Le
respect de la légitime autonomie des réalités terrestres conduit
l'Église à ne pas se réserver des compétences spécifiques
d'ordre technique et temporel, mais elle ne l'empêche pas
d'intervenir pour montrer comment, dans les différents choix de
l'homme, ces valeurs sont affirmées ou, vice-versa, niées. ».
Le
rôle de l’Église est d'annoncer l’Évangile et de constituer de
nouvelles communautés chrétiennes, et c'est là qu'elle doit faire
porter ses efforts. Alors bien sûr, la force de l'exemple est un
argument à ne pas négliger. De la même manière qu'un ministère
de l'écologie doit être capable de fonctionner avec une certaine
attention à l'environnement, qu'un ministère de la justice doit
être capable d'appliquer une certaine équité dans ses promotions
internes, qu'un ministère de l'économie doit être capable
d'utiliser avec parcimonie les fonds publics qu'il consomme pour ses
propres besoins, il est nécessaire que l’Église puisse faire
appliquer en son sein les principes – nombreux ! – qu'elle
enseigne aux hommes. Faute de réussir à se conformer à ses propres
principes, elle fait passer le message implicite que certaines
conditions peuvent permettre de s'affranchir de ces préceptes
(manque de fonds, manque de compétence, ...). Mais il faut bien
comprendre que l'enseignement est la vraie première mission de
l’Église.
En parlant
d'exemplarité, on peut néanmoins remarquer que c'est l'une des
ouvertures du document des évêques de France sur l'environnement, (pas cher, 2,85€ !) qui indiquent que : « L'Eglise n'a pas de
compétence propre pour apporter des solutions globales aux
différentes questions environnementales, tels les changements
climatiques, l'épuisement des ressources naturelles, la perte de la
biodiversité, les choix énergétiques. Mais elle doit être
exemplaire dans ses actions et dans ses modes de consommation. Elle
ne doit pas hésiter à faire connaître ses réalisations heureuses
en la matière, convaincue de la force de persuasion des
comportements exemplaires »
Le chrétien applique
les principes de la DSE et témoigne par sa vie du message de
l’Église

Et dans ce domaine, les
conseils du compendium ne manquent pas : le chrétien doit être
exemplaire ! (ouf, on retombe sur nos pattes, du coup, il y a
donc quand même une certaine logique à ce que l'Eglise, constituée
de chrétiens, ait un comportement exemplaire)
En effet, les chrétiens
sont « le ferment » de la DSE. Dans le langage moderne
informatique, on parlerait des « early adopters » (les
premiers utilisateurs).
« les
fidèles laïcs peuvent contribuer, comme du dedans, à la
sanctification du monde, à la façon d'un ferment, en exerçant
leurs propres charges sous la conduite de l'esprit évangélique, et
manifester le Christ aux autres avant tout par le témoignage de leur
vie » (#545). BAM ! on peut difficilement faire plus
clair. Commencez vous-mêmes, et ensuite, les autres vous verront et
vous copieront. Ma marraine m'a donné à ma première communion un
livre de paraboles du temps moderne. On y apprend que pour faire
boire un âne qui n'a pas soif, il ne sert à rien de le forcer, de
le pousser, de le tirer, de lui mettre la tête dans l'eau... Il faut
simplement mettre à côté de lui un âne qui a soif. Soyons ces
ânes qui ont soif pour donner soif aux autres ! « Le
besoin d'une nouvelle évangélisation fait comprendre à l’Église
que son message social sera rendu crédible par le témoignage des
œuvres plus encore que par sa cohérence et sa logique internes »
(#525). Si nous faisons de grandes œuvres sous la conduite de
l'Esprit-Saint, nous convaincrons !
Mais
avant même de convertir les autres, il nous faut nous convertir
nous-mêmes aux principes de l’Église, et transformer le monde
dans notre recherche du bien commun. Tout un chapitre est consacré à
l'action des laïcs dans le monde (#541 à #574). Ce chapitre n'est
ni plus ni moins qu'un envoi en mission. La mission, ce n'est pas que
pour les prêtres des missions étrangères de Paris... « Il
revient au fidèle laïc d'annoncer l’Évangile par un témoignage
de vie exemplaire, enraciné dans le Christ et vécu dans les
réalités temporelles : famille, engagement dans le cadre du
travail, de la culture, de la science et de la recherche ;
exercice des responsabilités sociales, économiques et politiques.
[…] Ces réalités sont les destinataires de l'amour de Dieu ;
l'engagement des fidèles laïcs doit correspondre à cette vision et
se qualifier comme expression de la charité évangélique. »
(#543) Et cette mission n'est pas seulement l'occasion d'exprimer des
positions conformes à la foi. Cette mission est l'expression même
de notre foi qui « construit » notre action : « Les
fidèles laïcs sont appelés à cultiver une authentique
spiritualité laïque, qui les régénère en hommes et femmes
nouveaux, immergés dans le mystère de Dieu et insérés dans la
société, saints et sanctificateurs. Une telle spiritualité édifie
le monde selon l'Esprit de Jésus. » (#545). Bref, (c'était
mon message implicite des 10 derniers articles) lisez le
compendium !!!
***
Ne nous indignons pas du
fait que l'institution Église est gérée par des hommes faillibles,
et suivons l'enseignement de l'Eglise sans (trop) nous indigner de
l'écart entre parole et actes. Jésus a lui même dit à Pierre
qu'il s'appuierait sur lui pour bâtir son Église, alors qu'il
savait que Pierre allait le renier par trois fois ; que ce soit
pour nous aujourd'hui une source de joie ! Rendons grâce pour
les efforts qui sont déployés pour promouvoir dans les instances du
Vatican, une plus grande transparence financière, un meilleur
contrôle de l'utilisation de l'argent en postulant pour être sur la
« white list ». « L'Eglise enseigne qu'une paix
véritable n'est possible que par le pardon et la réconciliation »
(#517), « L'Eglise lutte pour la paix par la prière »
(#519). Prions, de là où nous sommes, pour que le pardon vienne
rapidement remplacer les conflits au sein du Vatican. Prions aussi
pour que, sous la conduite de l'Esprit de Pentecôte, l'authentique
spiritualité cultivée par les responsables du Vatican vienne
construire une organisation toujours plus active dans la diffusion de
l'évangile et ayant un comportement toujours plus exemplaire pour
appuyer son enseignement sur un exemple concret de réussite de mise
en œuvre de cet enseignement social.