Les DRH
veulent supprimer les jours fériés qui correspondent à des fêtes
catholiques.
Pékin,
Chine, juillet 2008.
Je suis
dans la rue, au milieu d'une marée de vélo. Une femme se fait
pousser par un motard sur le croisement entre deux routes, et tombe
sur le carrefour, à côté du passage piéton. Le motard voit ce
qu'il a fait, se retourne, et file sans demander son reste. Il y a
probablement des gens comme ça partout, pas de quoi en faire un
flan. Par terre, elle hurle en chinois, et a l'air d'avoir mal. La
marée passe, imperturbable. Une quinzaine de vélos arrêtés sur la
route perpendiculaire, à trois mètres d'elles, regardent la scène
avec un intérêt non dissimulé. Une vingtaine de piétons passent à
moins d'un mètre d'elle, la regardant ostensiblement. Plein d'autres
gens regardent du trottoir. Et elle de continuer à hurler qu'elle a
mal. Je regarde la scène pendant d'interminables secondes pendant
lesquelles rien ne se passe, puis pose mon vélo sur le côté,
l'aide à se relever et on claudique ensemble jusqu'au trottoir. Tout
le monde s'attroupe pour entendre l'histoire. Je suis perdu, je ne
comprends rien. A ce qui vient de se passer, et à son flux de parole
qui n'a d'égal que le nombre de gens qui ont assisté en purs
spectateurs à cette histoire. Un petit vieux me tire par la manche
et me dit que c'est bien ce que j'ai fait, et qu'un Chinois ne
l'aurait jamais fait.
En Chine,
le « aime ton prochain comme toi-même » n'est pas dans
la culture. La culture de la famille (et l'amour dans la famille) est
peut-être plus poussée que chez nous, mais hors de la famille, des
amis et des collègues, l'homme n'est qu'un étranger. Pas un
« prochain ». Presque pas un homme. Donc pas digne de
compassion.
La morale
de cette histoire, c'est que nous sommes en France dans une société
profondément chrétienne. En France, quand quelqu'un tombe, le
minimum syndical, c'est de faire semblant de ne pas avoir remarqué...
A défaut de démontrer un altruisme sans faille, ça prouve qu'il
reste quelque part une petite voix qui nous dit que nous nous devons
à l'autre. Une intuition du message du Christ qui dit à chacun
(même aux inconnus que nous croisons) « tu as du prix à mes
yeux et je t'aime » (Is 43,4). Cette petite voix est peut-être
faible, comme est faible notre courage devant la souffrance des
personnes qui croisent notre route. Mais cette petite voix faible,
partagée par toute une société, elle a de la valeur. Une grande
valeur. Pour être déjà tombé à vélo en France, il n'était pas
passé trois personnes que deux passants se sont arrêtés pour
m'aider... Alors que je n'avais pas été poussé, que j'étais à un
endroit sans danger, et que j'allais bien.

Et pour les
chrétiens qui ne sont pas des DRH, on peut commencer par souhaiter à
nos collègues un « joyeux Noël » au lieu de « bonnes
fêtes », de joyeuses fêtes de Pâques plutôt qu'un « bon
week-end », voire même (plus difficile) une bonne fête de
l'assomption plutôt qu'un « à jeudi »...