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samedi 30 juin 2012

Faut-il abolir la prostitution ?


   Dans un contexte où l'on nous promet le mariage homosexuel, l'euthanasie et toujours plus d'avortement, le gouvernement m'a bien surpris en proposant d'interdire la prostitution... ou plus exactement de pénaliser les clients de la prostitution. Malgré une pensée (trop) largement partagée selon laquelle la liberté de tout faire est la norme en tout y compris dans la conception profonde de l'amour et de la vie, il reste donc des situations dans lesquelles un libre consentement rémunéré garderait quelque chose de pas complètement satisfaisant... Sautons dans la brèche qui nous est ainsi offerte par Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, et venons à l'appui du gouvernement dans ce positionnement courageux et plein d'humanité !

Pénaliser les clients de la prostitution est légitime !
   La prostitution n'est pas une activité comme les autres. Réalisée dans un contexte fréquemment emprunt de violence (tant dans son organisation que dans la clientèle rencontrée), elle est en plus un acte de soumission qui rabaisse la femme (ou l'homme) qui se vend à un objet, une marchandise. L'Eglise va jusqu'à parler de forme d'esclavage. (#158 du compendium de la doctrine sociale de l'Eglise) : « La proclamation solennelle des droits de l'homme est contredite par la douloureuse réalité de violations, de guerres et de violences en tout genre, en premier lieu […] la diffusion un peu partout de formes toujours nouvelles d'esclavage comme le trafic d'êtres humains, les enfants soldats, l'exploitation des travailleurs, le trafic illégal e drogues et la prostitution. ». On ne peut ainsi pas considérer que cette activité est « juste un choix d'adultes consentants ». Il y a rabaissement de la personne humaine. Il suffit pour en être convaincu de voir comme le mot « pute » est utilisé couramment (pas par moi !) à titre d'injure pour condamner des personnes ayant commis des actes manquant d'humanité.

   Cette déshumanisation est le signe d'un échec de la société à intégrer les personnes qui s'adonnent à cette activité. C'est en cela que l'Etat est légitime à agir pour réintégrer ces femmes et ces hommes. Là où l'Etat peut difficilement agir sur une « volonté » (un pis-aller) de la prostituée elle-même en pénalisant l'activité directement (de même qu'on ne pénalise pas le suicide ou l'auto-mutilation qui sont aussi, à l'évidence, des actes néfastes pour la personne), l'Etat peut rendre cette activité moins attractive en réduisant la demande grâce à une loi qui interdirait la « demande ». Pour le coup, il est légitime de considérer que les clients participent activement à l'écartement de la société de ces femmes en favorisant et maintenant leur activité (et donc le nombre de femmes concernées). L'Etat est donc légitime à considérer qu'il y a faute de la part du client qui porte atteinte à leur dignité, et à la pénaliser. Les dix commandements étaient d'ailleurs lucides à cet égard : « tu ne convoiteras point la femme d'autrui ». Il n'est pas question dans les commandements de ne pas se donner à plusieurs hommes (même si c'est une conséquence), mais bien de ne pas chercher à demander à une femme de se donner à plusieurs hommes.


Chercher à réduire la prostitution est une bonne idée !
   Au delà du caractère légitime d'une telle loi, il serait opportun de chercher à réduire la prostitution.
Pour commencer, la DSE a pour but de favoriser une croissance de « tout homme et de tout l'homme », qui est une condition du bien commun. De tout homme, même les plus faibles ou ceux qui sont le plus dans le besoin comme les prostituées, et de tout l'homme : ces femmes ont le droit de grandir dans les différents domaines de leur vie, y compris celui de l'amour.
   Cette loi aurait aussi pour effet de nous aider à répondre au commandement d'amour qui nous est donné : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Mc 12,30), « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn 13,34). Ces deux demandes de Jésus insistent sur la qualité de l'amour qui est donné. Il faut aimer comme on s'aime soi-même, et comme Jésus nous a aimés. Bref, on ne pourra pas se limiter à l'exercice de l'amour physique avec une prostituée et s'estimer quitte avec ces commandements. Le compendium nous donne une bonne explication de ce qu'on doit retenir : « L'être humain est fait pour aimer et sans amour il ne peut pas vivre. Quand il se manifeste dans le don total de deux personnes dans leur complémentarité, l'amour ne peut pas être réduit aux émotions et aux sentiments ni, encore moins, à sa seule expression sexuelle. Une société qui tend toujours davantage à relativiser et à banaliser l'expérience de l'amour et de la sexualité exalte les aspects éphémères de la vie et en voile les valeurs fondamentales: il devient on ne peut plus urgent d'annoncer et de témoigner que la vérité de l'amour et de la sexualité conjugale existe là où se réalise un don entier et total des personnes, avec les caractéristiques de l'unité et de la fidélité. Cette vérité, source de joie, d'espérance et de vie, demeure impénétrable et impossible à atteindre tant que l'on reste enfermé dans le relativisme et le scepticisme. » (#223) L'amour ne se limite pas à sa seule expression sexuelle et on ne doit pas le relativiser et le considérer comme une marchandise qu'on peut acheter. Chercher à empêcher la prostitution est le signe d'une société qui tente de regagner une compréhension saine de ce qu'est l'amour !
   Cette vision de l'amour est liée dès l'origine à l'accueil des enfants : « Ève est créée semblable à Adam, comme celle qui, dans son altérité, le complète (cf. Gn 2, 18) pour former avec lui « une seule chair » (Gn 2, 24; cf.Mt 19, 5-6).459 En même temps, tous deux sont engagés dans la tâche de la procréation, qui fait d'eux des collaborateurs du Créateur: « Soyez féconds, multipliez- vous, emplissez la terre » (Gn 1, 28) » (#209 du compendium). Les efforts pour faire disparaître la prostitution sont autant de pas vers une conception de l'amour plus orientée vers un don complet duquel la vie peut émerger, au sein d'une famille qui est « le premier lieu de l'humanisation ». Ces efforts nous mènent en plus indirectement vers Dieu. L'amour fidèle, stable et indissoluble d'un homme et d'une femme, qui fondent une famille, est en effet «  un “signe” — signe discret et précieux, parfois soumis à la tentation, mais toujours renouvelé — de la fidélité inlassable de l'amour de Dieu et de Jésus-Christ pour tous les hommes, pour tout homme » (#225)

*  *  *
   Jésus lui-même, lors de sa vie sur Terre, a porté une attention toute particulière aux prostituées qu'il a rencontrées, et les a aimées. A la fin de la parabole des deux fils du vigneron (Mt 21, 28-32), il dit même à son auditoire que les prostituées et les publicains les précéderont dans le royaume Dieu, eux qui n'ont pas cru à la prédication de Jean-Baptiste ! Grande source d'espérance pour les prostituées qui seront sauvées par le Christ.
   Pour nous, chrétiens, aujourd'hui, cette bienveillance du Christ doit résonner comme un appel à participer à la plus grande dignité des femmes qui tombent dans la prostitution. En leur disant « bonjour Madame » quand on en croise dans la rue pour commencer au niveau zéro de l'action du bon catho... Et en félicitant le gouvernement qui cherche à réduire au maximum le nombre de femmes concernées en interdisant le fait d'être client de la prostitution. Espérons que le gouvernement pourra persévérer dans cette voie qui s'annonce difficile, la position des socialistes étant pour le moins divisée. Le sujet sera difficile, il faudra que des prostituées se reconvertissent. Les clients qui vont rester seront peut-être les plus violents... On peut comprendre que la profession ne soit pas très enthousiaste. Mais globalement, on aura fait baisser le nombre d'actes de violence, et la société aura une vision plus saine de l'amour. Ce sont ces buts qu'il faut viser ! Bon courage Madame Vallaud-Belkacem.



lundi 30 avril 2012

Voter blanc, est-ce nul ?


Nous voilà entre les deux tours. J'ai la grande surprise de constater que des connaissances, ainsi que d'autres blogs cathos semblent considérer que ce n'est pas si absurde que ça comme démarche, de voter blanc. Ma deuxième surprise est de constater, en creusant un peu, que le sujet n'est pas abordé frontalement par l'Eglise. Voici donc l'état de ma réflexion que je vous invite à compléter dans les commentaires !

En démocratie, la participation du citoyen à la recherche du bien commun passe par le vote
L'abstention est a priori refusée par l'Eglise : « La soumission à l’autorité et la coresponsabilité du bien commun exigent moralement le paiement des impôts, l’exercice du droit de vote, la défense du pays » (Catéchisme de l'Eglise Catholique, 2240)
La raison pour laquelle notre vote est demandé est simplement une application du principe de participation : chacun doit participer à l'émergence d'une société plus juste et à la constitution d'un gouvernement qui poursuivra le bien commun :
« Tous les comportements qui incitent le citoyen à des formes de participation insuffisantes ou incorrectes et à la désaffection répandue pour tout ce qui concerne la sphère de la vie sociale et politique doivent être considérés avec une certaine inquiétude: que l'on pense, par exemple, [...]à la pratique de se limiter à l'expression d'un choix électoral, allant même, dans de nombreux cas, jusqu'à s'en abstenir » (#191, Compendium de la Doctrine Sociale de l'Eglise)
« Aussi faut-il stimuler chez tous la volonté de prendre part aux entreprises communes. Et il faut louer la façon d’agir des nations où, dans une authentique liberté, le plus grand nombre possible de citoyens participe aux affaires publiques. » (Gaudium et Spes)

     Le droit civil est devenu un devoir moral (c'est d'ailleurs écrit sur nos cartes d'électeurs). Pourquoi donc est-ce un devoir ? C'est le régime démocratique dans lequel nous vivons qui fait du vote un devoir. Si la société était dirigée par un petit groupe d'hommes qui se cooptent et ont pour seul objectif de poursuivre le bien commun, le vote de chacun n'aurait pas de caractère nécessaire. Observons pour cela la nomination des évêques et du pape qui ne passent pas par un vote de tous les chrétiens, mais qui a néanmoins pour but de poursuivre le bien commun. Mais tel n'a pas été le choix des assemblées constituantes qui ont fondé nos démocraties modernes. La recherche du bien commun a été jugée d'une complexité telle que quelques uns, même au nom de tous, ne pourraient pas correctement la poursuivre. Et c'est donc au résultat de votes aux élections qu'a été confiée le choix du chemin à poursuivre pour se rapprocher de ce bien commun. L'assemblée constituante a préféré l'intelligence collective à l'intelligence de certaines catégories de citoyens. La démocratie n'est pas un système parfait ni l'unique système possible, mais elle est le « terrain de vie » qui nous a été donné pour vivre notre sanctification, et nous agissons dans ce cadre. S'abstenir, c'est refuser de participer à l'intelligence collective, s'en remettant aux « autres » pour faire le choix. A noter que différentes constitutions impliquent des devoirs différents. Les évêques d'Italie ont appelé à s'abstenir lors du référendum sur l'avortement de 2005 puisque pour être validé, le référendum devait recueillir plus de 50% de participation. Avec ce genre de règles, l'abstention peut devenir un acte réel de participation ! Mais rien de tout cela en France et il nous faut donc agir avec les « règles du jeu » qui nous sont imposées, et qui impliquent que l'abstention est une non-participation.

Plusieurs erreurs mènent à l'abstention
Ce déni de participation me semble pouvoir reposer sur trois erreurs :
  • l'idée fausse selon laquelle, le choix étant difficile, on s'en remet à d'autres qui sauront mieux. Si ces choix étaient scientifiques, on n'aurait pas besoin de l'appel au peuple, et il n'est donc pas juste de chercher à s'extraire du choix qui s'offre à nous. Si je me trompe dans mon vote et vote par mégarde pour le candidat qui est le plus loin de mes idées, mon vote sera contrebalancé par d'autres qui, refusant comme moi l'abstention, auront retenu les bons morceaux des discours des candidats. L'intelligence collective rattrape l'erreur individuelle, mais pour ça faut-il accepter de faire à titre individuel une erreur une fois de temps en temps pour, la plupart du temps, faire un vote juste et ainsi contribuer globalement au bien commun !

  • L'idée fausse selon laquelle les candidats n'ont pas un programme compatible avec nos idées ou nos croyances, et qu'on ne peut donc pas cautionner leur élection. Là où cet argument pourrait porter pour des candidats « parfaitement égaux dans leur éloignement à nos valeurs et nos idées », je crois honnêtement qu'on ne peut pas, aujourd'hui, dire que Nicolas Sarkozy et François Hollande sont « parfaitement égaux dans leur éloignement aux valeurs et aux idées » de chacun de ceux qui vont s'abstenir pour ces raisons-là (à fortiori au premier tour où il y avait 10 candidats !) Les programmes sont réellement différents. Sans rentrer dans l'analyse des programmes, pour réduire la dette l'un souhaite une augmentation des revenus de l'Etat, l'autre une diminution des dépenses. L'un prône le mariage homosexuel et l'homoparentalité, l'autre non. L'un souhaite créer 60.000 postes dans l'Education nationale, l'autre veut continuer la réduction des effectifs de la fonction publique. L'un veut ramener l'âge de départ à la retraite à 60 ans avec 41,5 ans de cotisation alors que l'autre a fait un mouvement inverse il y a un an. Je ne crois pas que trois « points non négociables » permettent d'analyser un programme et de faire son choix, même s'ils peuvent et doivent y contribuer. Le document des évêques de France va d'ailleurs bien au-delà des trois principes non négociables et nous donne des clés de lecture plus larges. Mais vu les différences entre programmes, se considérer indifférent au nom du prochain candidat relève selon moi de la paresse intellectuelle au mieux.
    Ainsi Monseigneur Vingt-Trois dit-il que nous sommes dans un « pays où on a la liberté de vote, la liberté de choix, et on peut réellement infléchir l'avenir de notre pays par la désignation qu'on fait de son président et des députés. ». Monseigneur Barbarin également est plutôt sur cette ligne de conduite même si dans certains cas, il n'exclue pas le principe d'un vote blanc : Dans le cas d’un deuxième tour d’une élection présidentielle, comme il le fait remarquer, l’un des deux candidats sera de toute façon élu. Dans ce contexte, « faire le choix de l’objection de conscience serait porter une part de responsabilité et estimer que les deux candidats sont également et gravement inadéquats à cette responsabilité, ce qui est à bien réfléchir ».
  • L'idée fausse selon laquelle on passe un message en votant blanc. Mais quel message ? Le message qu'on regrette que tel ou tel candidat n'ait pas pu se présenter à cause des 500 signatures. Le message qu'on souhaite que le vote blanc soit compté. Le message qu'on souhaite un changement de constitution. Le message que les deux candidats nous semblent équivalents. Et tant d'autres messages. Leur diversité est leur illisibilité ! Interprétés dans tous les sens, le message d'origine de chaque votant est perdu et tordu. Ces messages ont pour vocation de remonter par le biais des corps intermédiaires : syndicats, partis politiques, associations. Ces organisations savent porter des messages lisibles, et les faire entendre, faisons leur confiance et aidons-les, mais pas par un vote blanc !
« Tel est le cadre de la société civile, conçue comme l'ensemble des rapports entre individus et entre sociétés intermédiaires, les premiers à être instaurés et qui se réalisent grâce à « la personnalité créative du citoyen ». Le réseau de ces rapports irrigue le tissu social et constitue la base d'une véritable communauté de personnes, en rendant possible la reconnaissance de formes plus élevées de socialité. » (#185, Compendium de la doctrine sociale de l'Eglise)


La confiance du chrétien citoyen est la clé de sa participation aux scrutins les plus difficiles
Il nous faut donc faire un choix. Bien conscients que notre choix ne sera pas parfait et qu'il aura des conséquences, nous devons garder la confiance des chrétiens qui savent Dieu présent sur le chemin de l'humanité. De même que de notre incertitude sur notre choix, la démocratie trouvera une tendance de choix dans une population, de même, de présidents imparfaits en présidents imparfaits, la France trouvera à s'avancer vers toujours plus de liberté, d'égalité et de fraternité, dans la recherche du bien commun.
« L’homme parvient à cette dignité lorsque, se délivrant de toute servitude des passions, par le choix libre du bien, il marche vers sa destinée et prend soin de s’en procurer réellement les moyens par son ingéniosité. Ce n’est toutefois que par le secours de la grâce divine que la liberté humaine, blessée par le péché, peut s’ordonner à Dieu d’une manière effective et intégrale.  » (Gaudium et Spes)
Ne craignons pas les imperfections du prochain président, craignons l'absence de participation réelle de chrétiens qui ont une voix à porter dans le monde qui nous entoure, à ces présidentielles, mais aussi dans les mois et années qui la suivront ! La foi en Dieu ne peut pas aller sans une espérance, une confiance, dans l'avenir de notre pays et de notre monde.

*   *   *
 
« En effet, plus le monde s’unifie et plus il est manifeste que les obligations de l’homme dépassent les groupes particuliers pour s’étendre peu à peu à l’univers entier. Ce qui ne peut se faire que si les individus et les groupes cultivent en eux les valeurs morales et sociales et les répandent autour d’eux. Alors, avec le nécessaire secours de la grâce divine, surgiront des hommes vraiment nouveaux, artisans de l’humanité nouvelle. » (Gaudium et Spes)

Bon vote dimanche prochain !