Plusieurs gouvernements étrangers
(Etats-Unis, Russie, Chine, Inde) ont annoncé leur décision
d'interdire à leurs compagnies aériennes de s'acquitter de la taxe
carbone : une taxe qui s'applique à toutes les compagnies
opérant sur le territoire européen, et qui leur impose de payer 15%
de leurs émissions de gaz à effet de serre, soit 32 millions de
tonnes. Après une chute vertigineuse l'année passée, la tonne de
CO2 est passée de 15 euros à 7 euros, cela ferait donc une taxe
d'un niveau total de 200 millions d'euros. A titre de comparaison, le
chiffre d'affaire d'Air France seul est de 23 milliards d'euros.
Que penser, donc, de ces pays qui
interdisent à leur compagnies aériennes de payer cette taxe ?
Les lois humaines doivent être
respectées
Nous l'avons vu, le Christ nous demande
de respecter le droit positif (celui qui est en vigueur à un moment
donné) et notamment de payer les impôts imposés par le
gouvernement (« Rendez à César ce qui est à César, et à
Dieu ce qui est à Dieu » Mt 22,21). La seule limite à cette
obligation est le devoir de résistance si le droit positif est
contraire au droit naturel (les droits qui proviennent de la nature
même de l'homme). Les deux seules questions qui se posent sont
donc :
-
Cette taxe est-elle légale ?Cette taxe se rapproche dans le principe du système déjà appliqué aux industries européennes, et doit donc avoir les mêmes fondements réglementaires non remis en cause à ce jour. Les compagnies aériennes qui sont contre cette loi n'utilisent qu'un argument économique pour la rejeter. De même, les autres pays s'opposent à cette taxe, mais ne semblent pas remettre en cause sa légalité, par exemple au regard d'engagements internationaux qui auraient une valeur réglementaire plus forte que cette taxe et y seraient contraires. On peut donc penser que cette réglementation est conforme au droit positif.
- Est-elle contraire au droit naturel ?Pas de remise en cause de la dignité de l'homme dans le fait de faire contribuer le secteur du transport aérien aux efforts contre le réchauffement climatique. On peut donc penser que cette loi n'est pas contraire au droit naturel.
Il faut donc s'acquitter de cette taxe.
Les compagnies ou pays étrangers qui annoncent qu'ils résisteront à
l'entrée en vigueur de cette taxe sont en faute et commettent une
injustice vis-à-vis de l'Europe en remettant en cause sa
souveraineté dans le domaine.
La mise en place de cette taxe est-elle
conforme au bien commun ?
Nous n'avons pas encore répondu à
cette question. On peut ne pas être contraire au droit naturel, mais
pourtant se tromper dans la recherche du bien commun !
Le compendium de la doctrine sociale de
l'Eglise nous offre une vision moderne et intelligente de l'exigence
de la protection de l'environnement :
« Le Magistère souligne la
responsabilité qui incombe à l'homme de préserver un environnement
intègre et sain pour tous » (#465 du compendium) Cette
responsabilité s'exerce vis-à-vis de toute l'humanité actuelle,
mais également vis-à-vis des générations futures (cf #467)
La protection de l'atmosphère est un
sujet particulier, puisque les pollutions traversent les frontières.
C'est donc un sujet complexe qui doit être abordé en suivant le
principe de solidarité difficile à mettre en place dans un contexte
international d'intérêts divergents : « Chaque Etat,
dans son propre territoire, a le devoir de prévenir la dégradation
de l'atmosphère et de la biosphère. […] Le contenu juridique du
droit à un environnement naturel, sain et sûr sera le fruit d'une
élaboration graduelle, sollicitée par la préoccupation de
l'opinion publique de discipliner l'usage des biens de la création
selon les exigences du bien commun, dans une commune volonté
d'introduire des sanctions pour ceux qui polluent » (#468).
Dans les mots « élaboration graduelle », j'entends que
cette élaboration sera chancelante et incertaine au début et qu'il
faut accepter que cette élaboration pose des questions concrètes de
mise en œuvre difficiles à résoudre nécessitant des arbitrages
non consensuels.
Le mot de « sanction » ne
doit pas être compris de manière trop exacerbée. Notre droit le
retranscrit dans le principe du « pollueur-payeur », qui
ne trahit pas forcément une « faute » du pollueur (les
process industriels, comme le fonctionnement d'un avion ou d'une
voiture génèrent nécessairement des émissions de CO2), mais une
responsabilité de « payer » la « consommation de
Nature ».
« Toute activité économique qui
se prévaut des ressources naturelles doit aussi se soucier de la
sauvegarde de l'environnement et en prévoir les coûts, lesquels
sont à considérer comme élément essentiel du coût de l'activité
économique. […] Le climat est un bien qu'il faut protéger et il
faut dans leurs comportements, les consommateurs et les agents
d'activités industrielles développent un plus grand sens de
responsabilité » (#470)
La taxe carbone pour le secteur aérien
est donc une bonne initiative pour commencer « l'élaboration
graduelle » du contenu juridique responsabilisant les
consommateurs et les agents d'activités qui génèrent des
pollutions. Elle participe en cela à la recherche du bien commun.
Le reproche fait par la Chine à cette
taxe est le fait que cette taxe « régionale » ne soit
pas une décision consensuelle de niveau international alors que des
instances de réflexion internationale existent pour partager sur le
secteur aérien (Organisation Internationale de l'Aviation Civile,
qui dépend des Nations Unies). Sans constituer une infraction au
droit naturel, cette « régionalisation » est pointée
par l'Eglise comme un problème à éviter car rendant moins efficace
l'action des Etats : « Il est important que la Communauté
internationale élabore des règles uniformes, afin que cette
réglementation permette aux Etats de contrôler avec davantage
d'efficacité les diverses activités qui déterminent des effets
négatifs sur l'environnement » (#468)
On peut donc regretter que cette taxe
carbone n'ait pas fait l'objet d'un consensus entre pays par exemple
dans le cadre de l'OIAC. Cette organisation semble demander que lefruit d'une taxe sur les pollutions aériennes soit reversée ausecteur aérien pour favoriser la recherche pour réduire les
émissions de gaz à effet de serre, ce qui est un début de
responsabilisation, mais qui reste clairement insuffisant comme
application du principe de « paiement de la consommation de
Nature » vu que les payeurs récupéreraient leur argent...
* * *

Pour nous, chrétiens, notre action
peut commencer par cocher la case « compenser mon empreinte
carbone » lorsque notre agence de voyage nous le propose, ou à
défaut de le faire en allant sur le site d'une association
permettant de compenser nos empreintes carbones (réduction d'impôts
de 66% de votre don possible). Ces dons, personnels, seront un signe
pour les hommes politiques de la prise de conscience environnementale
des clients, et faciliteront les décisions politiques à venir.