Dans
un contexte où l'on nous promet le mariage homosexuel, l'euthanasie
et toujours plus d'avortement, le gouvernement m'a bien surpris en
proposant d'interdire la prostitution... ou plus exactement de
pénaliser les clients de la prostitution. Malgré une pensée (trop)
largement partagée selon laquelle la liberté de tout faire est la
norme en tout y compris dans la conception profonde de l'amour et de
la vie, il reste donc des situations dans lesquelles un libre
consentement rémunéré garderait quelque chose de pas complètement
satisfaisant... Sautons dans la brèche qui nous est ainsi offerte
par Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, et venons
à l'appui du gouvernement dans ce positionnement courageux et plein
d'humanité !
Pénaliser les clients de la prostitution est
légitime !
La
prostitution n'est pas une activité comme les autres. Réalisée
dans un contexte fréquemment emprunt de violence (tant dans son
organisation que dans la clientèle rencontrée), elle est en plus un
acte de soumission qui rabaisse la femme (ou l'homme) qui se vend à
un objet, une marchandise. L'Eglise va jusqu'à parler de forme
d'esclavage. (#158 du compendium de la doctrine sociale de
l'Eglise) : « La proclamation solennelle des droits de
l'homme est contredite par la douloureuse réalité de violations, de
guerres et de violences en tout genre, en premier lieu […] la
diffusion un peu partout de formes toujours nouvelles d'esclavage
comme le trafic d'êtres humains, les enfants soldats, l'exploitation
des travailleurs, le trafic illégal e drogues et la prostitution. ».
On ne peut ainsi pas considérer que cette activité est « juste
un choix d'adultes consentants ». Il y a rabaissement de la
personne humaine. Il suffit pour en être convaincu de voir comme le
mot « pute » est utilisé couramment (pas par moi !) à
titre d'injure pour condamner des personnes ayant commis des actes
manquant d'humanité.
Cette déshumanisation est le signe d'un échec de la société à intégrer les personnes qui s'adonnent à cette activité. C'est en cela que l'Etat est légitime à agir pour réintégrer ces femmes et ces hommes. Là où l'Etat peut difficilement agir sur une « volonté » (un pis-aller) de la prostituée elle-même en pénalisant l'activité directement (de même qu'on ne pénalise pas le suicide ou l'auto-mutilation qui sont aussi, à l'évidence, des actes néfastes pour la personne), l'Etat peut rendre cette activité moins attractive en réduisant la demande grâce à une loi qui interdirait la « demande ». Pour le coup, il est légitime de considérer que les clients participent activement à l'écartement de la société de ces femmes en favorisant et maintenant leur activité (et donc le nombre de femmes concernées). L'Etat est donc légitime à considérer qu'il y a faute de la part du client qui porte atteinte à leur dignité, et à la pénaliser. Les dix commandements étaient d'ailleurs lucides à cet égard : « tu ne convoiteras point la femme d'autrui ». Il n'est pas question dans les commandements de ne pas se donner à plusieurs hommes (même si c'est une conséquence), mais bien de ne pas chercher à demander à une femme de se donner à plusieurs hommes.
Chercher à réduire la prostitution est une bonne idée !
Au
delà du caractère légitime d'une telle loi, il serait opportun de
chercher à réduire la prostitution.
Pour
commencer, la DSE a pour but de favoriser une croissance de « tout
homme et de tout l'homme », qui est une condition du bien commun. De tout homme, même les plus
faibles ou ceux qui sont le plus dans le besoin comme les
prostituées, et de tout l'homme : ces femmes ont le droit de
grandir dans les différents domaines de leur vie, y compris celui de
l'amour.
Cette
loi aurait aussi pour effet de nous aider à répondre au
commandement d'amour qui nous est donné : « Tu aimeras
ton prochain comme toi-même » (Mc 12,30), « Aimez-vous
les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn 13,34). Ces
deux demandes de Jésus insistent sur la qualité de l'amour qui est
donné. Il faut aimer comme on s'aime soi-même, et comme Jésus nous
a aimés. Bref, on ne pourra pas se limiter à l'exercice de l'amour
physique avec une prostituée et s'estimer quitte avec ces
commandements. Le compendium nous donne une bonne explication de ce
qu'on doit retenir : « L'être
humain est fait pour aimer et sans amour il ne peut pas vivre. Quand
il se manifeste dans le don total de deux personnes dans leur
complémentarité, l'amour ne peut pas être réduit aux émotions et
aux sentiments ni, encore moins, à sa seule expression sexuelle. Une
société qui tend toujours davantage à relativiser et à banaliser
l'expérience de l'amour et de la sexualité exalte les aspects
éphémères de la vie et en voile les valeurs fondamentales: il
devient on ne peut plus urgent d'annoncer et de témoigner que la
vérité de
l'amour et de la sexualité conjugale existe là où se réalise un
don entier et total des personnes, avec les caractéristiques de
l'unité et
de la fidélité.
Cette vérité, source de joie, d'espérance et de vie, demeure
impénétrable et impossible à atteindre tant que l'on reste enfermé
dans le relativisme et le scepticisme. » (#223)
L'amour ne se limite pas à sa seule expression sexuelle et on ne
doit pas le relativiser et le considérer comme une marchandise qu'on
peut acheter. Chercher à empêcher la prostitution est le signe
d'une société qui tente de regagner une compréhension saine de ce
qu'est l'amour !

* * *
Jésus
lui-même, lors de sa vie sur Terre, a porté une attention toute
particulière aux prostituées qu'il a rencontrées, et les a aimées.
A la fin de la parabole des deux fils du vigneron (Mt 21, 28-32), il
dit même à son auditoire que les prostituées et les publicains les
précéderont dans le royaume Dieu, eux qui n'ont pas cru à la
prédication de Jean-Baptiste ! Grande source d'espérance pour
les prostituées qui seront sauvées par le Christ.
