dimanche 10 mars 2013

homme = femme ? France = Irlande ?


Depuis quelques mois, le concept d'égalité nous est sorti à toutes les sauces. Égalité entre couples homosexuels et hétérosexuels, égalité homme-femme, égalité des enfants devant le droit d'avoir un père et une mère, égalité devant l'impôt, égalité des chances, égalité de traitement entre école privée et publique, égalité territoriale, égalité de l'accès au numérique, … et égalité pour le match de rugby France-Irlande. Et il faut bien admettre qu'outre le grand principe que “c'est bien de renforcer l'égalité”, ce mot est ressorti parfois un peu trop à la légère pour appuyer une position qu'on tient par ailleurs pour des raisons qui sont également parfois égoïstes, à gauche comme à droite. Ce qui peut vouloir dire deux choses : les gens sont malhonnêtes ou le concept est trop flou et trop interprétable.
Le mot égalité/inégalité ressort 31 fois dans le compendium. Voici ce que l'Eglise nous en dit.
Fondement et forme de l'égalité entre tous les hommes
« Étant donné que sur le visage de tout homme resplendit quelque chose de la gloire de Dieu, la dignité de chaque homme devant Dieu constitue le fondement de la dignité de l'homme devant les autres hommes. En outre, c'est aussi le fondement ultime de l'égalité [...] entre les hommes » (#144 du compendium)
C'est toujours à cette égalité que se ramène le magistère. Elle se décline de nombreuses façons : égalité homme-femme (#146), égalité handicapé-valide, égalité prisonnier-homme libre... L'égalité ne se conçoit alors pas d'abord comme une égalité dans les droits (le prisonnier ne peut pas sortir de prison), ni même comme une égalité dans l'accès à certaines fonctions (les handicapés n'ont pas de quotas de présence au gouvernement, ni les condamnés à des peines de prison), mais avant tout comme une égalité de dignité. Égalité dont découlent certains droits (dits « droits de l'homme », et que l'Eglise définit plus restrictivement que ne le fait la société) qui sont adaptés aux différences de chacun et subordonnés à la recherche du bien commun.
L'égalité homme-femme, en particulier, se fonde sur une relation de diversité et de complémentarité réciproque avec l'homme.
Limites du principe d'égalité :
Le magistère signale des limites à l'exercice d'égalité qui n'est pas un absolu (seul l'amour est absolu. Même les principes de la DSE se heurtent les uns les autres : solidarité vs subsidiarité, ...) :
  • « Les plus favorisés doivent renoncer à certains de leurs droits pour mettre avec plus de libéralité leurs biens au service des autres. » Ils ne peuvent notamment pas demander l'égalité au détriment du bien commun. (#158)
  • On ne doit pas non plus, sous prétexte d'égalité, annuler l'esprit de liberté et d'initiative. Les reproches faits à des systèmes instaurant de fait un certain assistanat et qui enlèvent toute incitation à créer soi-même de la richesse pour profiter de celle créée par nos frères sont légitimes et mettent une limite au principe d'égalité. (#187)
  • L'égalité se fondant sur l'égale dignité des hommes, il n'existe pas d'égalité naturelle entre structures, entre organisations, entre choix de vie, ou entre opinions. Pour ces « choses », c'est une analyse sur le fond qui doit avoir lieu. En particulier, « La mise éventuelle sur un pied d'égalité de la famille et des « unions de fait » au plan juridique se traduirait par un discrédit du modèle de famille » (#227), puisque la stabilité de la famille est profondément inscrite dans son fonctionnement.
Remèdes contre l'inégalité
Le magistère signale deux remèdes contre l'inégalité :
- « la redistribution des revenus de l'impôt doit suivre les principes de solidarité, d'égalité, de mise en valeur des talents, et accorder une grande attention au soutien des familles. » (#355)
- La remise des dettes, qui était réalisée dans le monde juif lors des années sabbatiques (tous les 7 ans) ou jubilaires (tous les 50 ans), et permettait de rapporter les questions de propriété à leur signification profonde (on ne fait qu'administrer les biens qui nous sont confiés.) (#24)


Ceci nous donne donc des clés de lecture sur les sujets en introduction :
Egalité entre couples homosexuels et hétérosexuels,
Pas d'égalité naturelle entre choix de vie ou entre structures humaines. Le principe d'égalité ne s'applique pas, et il faut faire une analyse sur le fond (qui n'est pas l'objet de cet article, … mais d'un autre)
égalité homme-femme,
L'égalité est réelle et profonde et n'est ni agrandie ni amoindrie par les choix politiques passés ou à venir (incitation à un congé parental du « 2° parent », égalité salariale, proportion minimale à certains postes, …). L'égalité de traitement à situation égale découle néanmoins de cette égalité, et impose peut-être pour changer les mentalités et les rapprocher d'une vision juste de passer temporairement par des phases restrictives avec quelques effets bords pas très heureux qu'il faut néanmoins essayer de limiter (proportion minimale à certains postes qui oblige parfois à favoriser une moins bonne candidate que le meilleur candidat). En revanche, appliquer à l'aveugle une politique d'égalité sans réfléchir à la différence entre une femme et un homme est profondément bancal. Cette partie est régulièrement escamotée dans le discours ambiant et dans certaines communications gouvernementales... Et l'annonce qu'il sera imposé aux enseignants de « déconstruire les stéréotypes » ne peut qu'interroger tant que nous ne verrons pas le contenu des programmes correspondants.
égalité des enfants devant le droit d'avoir un père et une mère,
Là, on rentre dans un droit de l'individu (l'enfant) et plus d'une structure (l'union de deux adultes), et la question est de savoir si c'est un droit de l'homme que d'avoir un père et une mère. L'éducation fait partie des droits que l'Eglise reconnaît. Elle rajoute « #242 : Dans l'éducation des enfants, le rôle maternel et le rôle paternel sont tout aussi nécessaires. ». On touche effectivement à l'égalité entre enfants, et l'argument est donc utilisable même si c'est plus sur le fond que sur le mot même d'égalité que je pense utile de travailler.
égalité devant l'impôt,
La propriété est un concept reconnu par l'Eglise comme nécessaire, mais n'est pas reconnu comme un droit indiscutable (voir notamment #177 si vous voulez voir un magistère remonté). Elle est subordonné au bien commun, et l'impôt participe à la redistribution et à l'égalité. Il n'y a donc pas d'égalité devant l'impôt.
égalité des chances,
Pour tout ce qui concerne les droits de l'homme (éducation, accès à l'eau, au logement, …) , l'égalité est effectivement un bon critère d'entrée pour mettre en œuvre des politiques publiques. Au-delà, et quand on en vient à parler de réussite scolaire, d'ascenseur social, d'accès à des postes à responsabilité qu'on peut qualifier de luxe par opposition aux droits de première nécessité, c'est plus dans le principe de participation (chacun doit participer dans la société à un niveau qui lui correspond le mieux possible) que dans le principe d'égalité qu'il faut rechercher le « driver » de l'action publique. Si une société sous-emploie des gens qui pourraient mieux déployer leur potentiel, c'est autant un problème si ces personnes sont des femmes que si ce sont des hommes. Ou des roux que des non-roux. Ou des immigrés que des Français pure souche. Et ce n'est pas en moyennant le problème en évitant qu'un groupe catégoriel ne puisse faire valoir son indignation qu'on résout le problème.
égalité de traitement entre école privée et publique,
La liberté religieuse, notamment dans l'éducation, est un droit reconnu par l'Eglise. Droit égoïste, diront certains. Droit profond et primaire, répondra l'Eglise et répondront les chrétiens qui demandent également les subsides nécessaire au fonctionnement de ces écoles. Les places d'école dans les établissements privés n'ont pas à coûter plus cher à la société, mais pas moins. Là encore, en revanche, il ne s'agit pas d'un principe d'égalité, puisqu'on parle de structures (école privée vs école publique). Il s'agit du fait de rendre applicable le concept d'école libre.
égalité territoriale, égalité de l'accès au numérique
On est loin de l'égalité entre hommes. Mais ça ne rend pas le sujet inutile pour autant. Un développement harmonieux du territoire peut permettre une meilleure utilisation des moyens, voire même un certain retour à des modes de vie simples.
et égalité pour le match de rugby France-Irlande...
Les hommes sont tous d'égale dignité... Mais peut-être les Français un peu plus que les autres, on aurait dû gagner !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire