samedi 26 janvier 2013

Faut-il instaurer un droit au travail opposable ?



Les chiffres du chômage sont encore en légère hausse sur le mois de décembre 2012. Depuis 20 mois, chaque mois apporte sa mauvaise nouvelle. François Hollande a annoncé qu'il souhaitait inverser la courbe du chômage d'ici la fin de l'année, et nous verrons ce que la conjoncture économique nous réserve. Mais dans l'attente, il reste 3.132.900 personnes au chômage. Difficile de se rendre compte du nombre que ça fait, d'imaginer ce que ça fait. Plus de trois fois la manif pour tous (plus de 10 fois selon la police!). Imaginez ne serait-ce que trois fois le nombre de personnes de la manif pour tous qui se réveillent le matin, chacun dans leur appartement, se disent qu'ils n'ont pas de boulot et qu'ils ne savent pas ce qu'ils vont faire de leur journée. Arrêtons nous sur la vie de ces personnes. N'ont-elles pas droit au travail ?
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Pourquoi souhaite-t-on que tout le monde travaille ?
Serait-ce juste par égoïsme qu'on souhaiterait que tout le monde travaille ? Je ne te donnerai pas de pain si tu ne l'as pas mérité, si tu n'as rien à m'offrir ? Dans le Notre Père, pas de petite astérisque au dessus du « Donne nous aujourd'hui notre pain de ce jour* » (*sauf ceux qui n'ont pas fait d'efforts suffisants pour se trouver un job). Vous imaginez le genre... Un passage de Saint Paul pourrait pourtant être interprété en ce sens :« Nous vous engageons, frères, à faire encore des progrès en mettant votre honneur à […] travailler de vos mains, comme nous vous l'avons ordonné » (1 Th 4, 11)


Mais on est loin de l'égoïsme, Saint Paul nous exhorte simplement à participer au travail nécessaire pour la collectivité... Quelques lignes plus tard : « Nous vous y engageons, frères, reprenez les désordonnés, encouragez les craintifs, soutenez les faibles et ayez de la patience envers tous. » (1 Th 5, 14)
Non, il s'agit bel et bien de rechercher le bien de nos frères qui manquent de travail. Saint Paul (et l'Eglise!) veut notre bien en nous exhortant à travailler, à participer à la vie de la communauté. C'est le rôle qui nous a été confié dès la Genèse : l'homme est placé sur terre « pour cultiver le jardin ». « Le travail est un droit fondamental et c'est un bien pour l'homme » (#287 du compendium) sans travail pas de participation, pas de possibilité d'accéder à la propriété, de fonder une famille, de contribuer au bien commun. Toutes sortes de travaux sont possibles : rémunéré ou non (élever un enfant, engagement associatif), mais il nous faut participer au bien commun. Dans la parabole des ouvriers de la dernière heure, on voit bien que le maître lui-même voit le bien pour l'homme avant de voir le bien pour lui. Il donne la même chose à celui qui n'a travaillé qu'à la dernière heure et à celui qui a travaillé toute la journée. Il donne en fonction des besoins des hommes, pas en fonction de ce qu'il reçoit d'eux.

Pour quoi ?
Mais alors quels sont les fruits du travail ? Maintenant qu'on sait pourquoi on travaille, ça sert à quoi de travailler ?
Pour commencer, le travail participe à la pleine dignité de l'homme. Dans le travail est inscrit la ressemblance de Dieu et de l'homme, Créateur et co-créateur. Travailler et modeler le monde, c'est atteindre cette pleine ressemblance. Jésus lui-même a travaillé comme charpentier, alors qu'il aurait pu multiplier les pains pour manger. Il nous a ainsi montré que le travail humain est à vocation divine !
Le travail transforme le monde et y fait apparaître la perfection. « l'activité humaine d'enrichissement et de transformation de l'univers peut et doit faire apparaître les perfections qui y sont cachées » (#262). Si on travaille, c'est tout simplement pour contribuer au bien commun et pour rendre le monde plus beau, en exploiter les richesses. C'est utile pour le travailleur qui y trouve un sens à sa vie, et c'est utile pour la société qui profite du monde plus beau ainsi créé. « Le Chrétien est appelé à travailler non seulement pour se procurer du pain, mais aussi par sollicitude envers le prochain plus pauvre ». (#265)
Enfin, « le travail humain possède aussi une dimension sociale intrinsèque » (#273). Avoir un travail permet de vivre en société et de participer à la vie du monde qui nous entoure. L'homme seul loupe une face importante de la condition d'être humain. Un chrétien seul est un chrétien en danger... Et ça vaut aussi pour les non-chrétiens, dans un autre contexte !

Comment ?
Le magistère n'y va pas avec le dos de la cuillère, il répond au « quoi ? » et au « qui ? » 
Quoi : « le plein emploi est donc un objectif nécessaire pour tout système économique tendant à la justice et au bien commun. Une société […] où les mesures de politique économique ne permettent pas aux travailleurs d'atteindre des niveaux d'emploi satisfaisants ne peut ni obtenir sa légitimation éthique ni assurer la paix sociale » (#288),
Qui : Etat et monde économique : « Les problèmes de l'emploi interpellent les responsabilités de l'Etat auquel il revient de promouvoir des politiques actives de travail, aptes à favoriser la création d'opportunités de travail sur le territoire national, en stimulant à cette fin le monde productif »
Reste le « comment ? ». Et ça, ce n'est pas vraiment le rôle de l'Eglise de dire ça. Quelques petits indices tout de même : développer le secteur tertiaire (« les initiatives de ce qu'on appelle le secteur tertiaire constituent une occasion toujours plus importante de développement du travail et de l'économie », #293), réaffirmer le rôle de l'homme arbitre au-dessus du déterminisme : « le facteur décisif et l'arbitre de cette phase complexe de changement sont encore une fois l'homme, qui doit rester le véritable acteur de son travail »...
Ca reste bien vague à ce stade, mais c'est là que les hommes, et en particulier les chrétiens, entrent en jeu !
Instaurer un droit au travail opposable, c'est réussir à trouver un emploi pour chacun, donc à insuffler des politiques publiques qui favorisent l'emploi, peut-être en le taxant moins pour moins payer d'indemnités chômage en contrepartie. Je suis assez surpris qu'un acteur économique ne puisse pas créer un emploi en contrepartie d'une subvention à hauteur des indemnités chômage que cet emploi éviterait d'avoir à payer... A défaut, peut-être faut-il inciter avec plus ou moins d'insistance pour que les chômeurs se trouvent une « activité humaine », par exemple à titre de bénévole dans des associations pour continuer à transformer le monde, et avoir des liens avec la société qui pourraient en plus les aider à se former ou à trouver un emploi.
Au niveau des « forces vives » de la Nation, l'intuition que « le travail est plus doux quand il est orienté vers le bien commun » peut peut-être développer de nouvelles créativités. L'exemple cité dans mon dernier billet est un bon exemple du « comment ». En effet, dès la Genèse, on voit que le travail ne devient difficile et pénible que lorsque l'homme s'écarte de Dieu.
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La transformation de l'économie pour trouver à chacun une place est un chantier enthousiasmant que les Chrétiens doivent prendre à bras le corps pour éviter de se faire balloter par le marché. Encourageons-nous les uns les autres pour que nos énergies créatrices se transforment en emplois ! Soutenons le tissu PME en le finançant !

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